Elle pourrait être dans ce train.

Cette idée m'a pris sur le chemin de la gare.

Ne pas la chercher du regard. Ne pas se dire que s'il Elle est passé à Cherbourg ce week-end, c'est forcément ce train qu'elle a pris. Ne pas regarder l'intérieur des wagons, les têtes, les ombres. Ne pas donner le moindre doutes à mes parents qui, pour une fois, m'accompagne sur le quai.

18h19, le train s'ébranle. Premier arrêt: Valognes. Economiser quelques euros sur le dos de ses grands-parents. Se faire payer le billet par ses grands-parents même. Elle en est capable. Aujourd'hui. Pas hier, cela n'aurait pas été Elle. Ne pas penser que la place réservée à coté de moi puisse être la sienne.

Même une fois arrivé à Saint-Lazare, ne pas la chercher du regard. Ne pas se retourner.

Se retourner, ce serait se retourner sur mon passé. Alors que garder les yeux droits devant moi, ce serait regardé vers l'avenir avec ma fée qui m'attendra à la sortie de son travail. Peut-être même à ma descente du train. Ma fée en est capable, elle est pleine d'attentions et d'amour pour moi. J'essaie de lui en rendre tout autant, mais j'ai l'impression d'être bien maladroit.

Se rassurer. Envoyer un texto pour dire qu'on sera à l'heure, pour une fois. Lui dire que je l'aime et qu'elle me manque. Que j'ai hâte de la serrer dans mes bras, de sentir son parfum. La dévêtir et lui faire l'amour. La sentir s'endormir la tête sur mon épaule.

A ma fée, pas à Elle.

Pas à Elle.

Non.