Ma fée a fait quelque chose de mal. De très très mal. Mais peut-être quelque chose de logique, voir normal. Fouiller dans la mémoire du téléphone mobile de son compagnon, j'assimile cela à une violation de vie privée, une entrée frauduleuse dans mon jardin secret. Mais en même temps, je suis le premier à lui soutenir que je partage tout dans mon couple. Alors je ne me fâche pas. Je lui explique. Tout d'abord je lui montre le timestamp du texto, il date de plus d'un an et demi. Ensuite je lui explique que la dernière fois que je l'ai vu, Elle, c'était le jour de l'an dernier. Que son dernier coup de téléphone c'était en avril de cette année, le dernier contact asynchrone, un message que vous avez eu le 18 juin 2005 sur ce blog.

Je sens que l'ai blessé quand même. Elle en a perdu la voix. Quinze minutes de silence, c'est un poids très lourds entre nous deux. Je baisse ma garde devant ma fée, ouvre mon coeur plus que je ne le voulais, fini de se préserver, elle mérite mieux. Je lui offre ma reddition sans condition si elle le souhaite. Oui, si elle ne peut pas supporter mon passé, je laisserais partir ma fée, la mort dans l'âme, mais sans lui faire le moindre reproche. Après tout, c'est moi le fautif.

J'en ai marre. Marre de faire du mal, marre d'accorder tant d'importance à mon passé. Ce n'est pas bien compliqué, finalement. Cela explique au moins une chose: moi. J'aime de façon inconsidéré ma grand-mère, dernière racine avant mes parents. C'est d'elle que j'ai appris à respecter et à aider les autres. Elle m'a montré que les personnes âgées étaient pleines de vie, et parfois même plus vivante que nous, les jeunes. Elle m'a appris à marcher, elle m'a gardé les mercredis et toutes les vacances scolaires, c'est elle qui nous emmenait, mon frère, mes cousins et moi-même, dans les jardins publics, les cours des châteaux où nous pouvions nous défouler, respirer un air frais, faire du sport, nous aérer. C'est mon équilibre qui vient de mon enfance, mon hygiène de vie qui m'a épargné le destin de "couching-patato". C'était le bon vieux temps, mes racines, mes repères. Ensuite vient ma mémoire, je me souviens de tant et tant de choses. On me reproche parfois de tenir pour vrai ce que je pense avoir vécut, et pas ce dont je me souviens authentiquement. Qui sait? Peut-être ont-ils raison. Il n'en est pas moins que j'ai toujours en tête ces images de la maternelle, le bac à sable, le sang sortant du crâne d'un de mes camarades, la salle de sport où je rougissais à l'idée de pouvoir voir la culotte d'une fille, les dégâts de la tempête de 86, ma seule punition, à tort qui plus est. Puis l'école primaire, puis le collège, le lycée, et ainsi de suite. Tous mes souvenirs qui ont forgés peu à peu mon caractère, ma philosophie de vie, ce qui fait que je m'interdis de brûler un feu rouge, qui me fait aimer la marche à pied, qui conditionne ma fidélité, ce besoin d'être honnête avec ceux que je cotoie. Tout ça, c'est mon passé, mes bases. tout ça, c'est ce qui fait celui que je suis aujourd'hui. C'est moi, tout simplement.

Mais voilà, d'un coté je ne peux pas abandonner une partie de ma vie, même infime, un simple souvenir sans faire voler en éclat mon équilibre et ma personnalité, me trahir. D'un autre je ne supporte pas de faire souffrir ma jolie fée, elle qui a tant fait pour moi, souvent sans même sans apercevoir, parce que mon passé est dans mon coeur, mon âme, autour de mon cou et dans mon téléphone portable.

Et même souffrir de lui faire du mal ne l'épargne pas de sa douleur. La vie est vraiment trop injuste.