Voilà, tu es parti.

Ca faisait déjà 17 ans que tu étais avec moi. 17 ans, c'est beau non? Tu es venu au monde le 25 février 1988, je t'ai rencontré à peine quelques semaines après, tu ouvrais tout juste tes petits yeux marrons. Je me souviens encore comme si c'était hier du jour où Mme Mougenot est venue t'amener à la maison: ce jour là j'étais malade, l'un des rares jours où je n'étais pas en classe. Ma maman était au chômage. Je la revois encore ouvrir la porte, faire rentrer cette petite boule de poils toute brune foncée qui ne savait pas trop où aller alors que moi, je restais au bout du couloir, dans ma petite robe de chambre. Je ne savais pas encore que je venais de faire la connaissance de mon plus fidèle ami. Tu te souviens comme on jouait ensemble? Surtout les premiers jours, je me souviens sur la terrasse: j'étais par-terre, allongé. Tu me montais sur le dos et tu venais me mordiller les oreilles. Tu adorais mordiller les oreilles, tu as même gardé ce goût-là pendant bien 15 ans.

Toi mon chien adoré, mon Gribouille, combien de fois j'ai bien pu te prendre dans mes bras? Combien d'heures ai-je bien pu passer à te caresser? Combien d'heures es-tu resté contre moi à me réchauffer? Ce soir, je n'ai qu'une seule certitude: ce n'était pas assez. Ce que je pouvais aimer être devant mon ordinateur, et sans même te regarder, tendre une main pour te caresser, distraitement. Tu as toujours su me réconforter dans mes peines, bien à ta façon. Tu faisais celui qui ne voyait rien de particulier, tu venais te coller à moi en réclamant des caresses avec cette façon de me dire "Hey! Ce n'est rien, la vie continue." et ça me rassurait, parfois même malgré moi.

Et puis tout ces "tours" que tu avais appris, un peu à contre-coeur: tu t'asseyais pour obtenir une friandise, tu mangeais à la fourchette à la fin de nos repas... Et puis cette manie de nous faire un cirque pas possible dès qu'il y avait du poulet à table! Tu en as volé des os. À chaque fois j'avais peur que tu te fasses mal avec. Heureusement, il ne t'ai jamais rien arrivé de grave. Même cette fois-ci quand tu étais tout petit où, sautant pour atteindre desespérement le plan de travail où ce trouvait les restes du repas, tu as pris ton collier dans la clenche du meuble: tu as bien failli te pendre tout seul! Heureusement on t'a sorti de là. J'entends encore tes couinements, comme j'entends encore tes pleurs les premières nuits que tu as passé seul chez nous, loin de ta maman à toi, tout comme j'entends encore tes jappements un peu triste dans tes rêves. Tout ça ce sont des souvenirs qui ne partiront pas, qui ne partiront jamais.

Je me souviens aussi de ce nombre énorme de fois où tu t'es enfui aussi. Ce que j'ai eu peur à chaque fois. Que ce soit chez nous ou à Bandol, j'avais le coeur si serré de ne pas savoir où tu étais, comment tu allais. Sans parler des rires que ton retour provoquait: même couvert de bouses de vaches, on était si content de te revoir qu'on n'avait pas la force de te réprimander.

Et puis il y a ces deux dernières années où tu as commencé à être diminué. D'abord il y a eu ta vue qui a baissé considérablement. Heureusement que corriger ton alimentation t'a permis de retrouver quelque chose de viable. Puis ensuite il y a eu ce kyste graisseux qui n'a jamais cessé d'enfler, et puis tes problèmes à rester propre. Si tu savais à quel point ça me faisait de la peine de te retrouver plaqué au sol, incapable de te relever au milieu de ton urine... Quelle douleur. D'un certain coté j'espère que tu ne te rendais pas compte de ton état, mais d'un autre tes yeux m'exprimaient ta détresse. Mon chien, mon bien aimé chien. J'aurais tellement aimé que tu t'endormes contre moi l'une de ces nombreuses nuits passées ensemble, et que je te retrouve au petit matin sans vie: au moins tu ne serais pas parti sans moi! J'aurais entendu ton dernier souffle te quitter. Je sais, tu avais déjà mes parents pour t'accompagner chez le véto, ils sont restés avec toi jusqu'au dernier instant: tout comme moi ils t'adoraient. Mais je sais comment ça s'est passé, je t'ai déjà accompagné pour un long voyage, risqué, il y a dix mois quand on t'a opéré. Je me souviens de l'anesthésie, je lisais la peur dans tes yeux, tu ne comprenais pas ce qu'il t'arrivais, tu me cherchais et j'étais là, je ne t'ai pas quitté un instant avant que la véto ne me dise que je devais partir, que tu dormais profondément. J'ai attendu que tu finisses de déglutir et que ton coeur et ta respiration soient stables. Quelle douleur pour moi! Mes larmes ont coulées sur la plage ce jour là, bien moins que ce soir, mais c'était déjà dur. J'étais tellement heureux de te voir en meilleur santé après.

Mais voilà, ça n'était plus une vie pour toi. Tu dormais énormément, tu n'étais plus propre, tu n'avais plus ta dignité, tes yeux me le disaient que tu en souffrais. Mais tu étais heureux d'être avec nous, la preuve: tu continuais à nous chercher, tout le temps. Tu sentais que tu n'aurais peut-être plus la force de rester longtemps. J'aurais préféré que tu abandonnes, mais tu as toujours était tétû, il a fallut que tu résistes plus que de raison, encore une fois pour être avec nous et nous apporter un peu de bonheur. Et même quand tu as deviné qu'on se voyait pour la dernière fois, tu as essayé de rendre la chose plus facile en essayant de me gaffer: tu pensais peut-être que ce serait plus facile de ne pas te regretter en nous faisant du mal. Bah tu as raté mon chien... Y'a un trou énorme dans mon coeur, un trou qui pourra pas se refermer. J'ai des souvenirs plein la tête qui font que tu disparaîtras jamais, jamais. Même quand ce sera mon tour, mon dernier jour, je sais que je penserai encore à toi, au premier jour où je t'ai vu, à ce soir où tu me manques tellement et à ces moments d'exception qu'on a passé tous les deux ou avec toute la famille.

Tu es mon chien que j'aime gribouille. Et ça, même si tu n'es plus contre moi, y'a pas moyen que ça change. Je vais avoir du mal à parler de toi au passé, mais y'a un verbe que je en mettrai jamais au passé en parler de toi: putain qu'est-ce que je t'aime mon chien! Je t'aime Gribouille! Prends soin de toi là-haut, je suis sûr que tu es au paradis des toutous, tu nous as donné tellement de joies tu ne peux être que là-haut maintenant. Je sais que tu y as retrouvé ta forme, ta fougue, la joie et le dynamisme de ta jeunesse, et je me consolerai en t'imaginant gambader tout joyeux comme avant. On se reverra mon chien. Pas tout de suite, mais je sais qu'on se reverra. Profites en attendant.

Tu es parti le vendredi 11 mars 2005, mes parents te tenaient la papatte pour t'aider à parcourir ton dernier chemin. Tu es resté 6 224 jours parmi nous, et tu es reparti. Ce soir je ne réalises pas encore vraiment que je ne pourrai plus jamais te serrer contre mon coeur, je n'ai pas encore fini mon deuil de toi, mon toutou, mon Bouille, mon Bouillon. Tu laisses un vide immense ici-bas. Un vide que rien ni personne, pas même un autre être, ne saura combler. Il y en aura certainement qui viendront remplir notre coeur, mais ta place, elle, restera à tout jamais la tienne. Ce qui me manquera le plus, c'est de ne plus pouvoir te serrer dans mes bras. J'espère que tu vois mes larmes en ce moment-même mon chien, j'espère que ça t'assurera de combien je peux t'aimer. Je t'aime Gribouille, je t'aime mon chien.

                                             
                                      À bientôt mon chien adoré.