Je l'ai vu mardi dernier.

Pas Elle, non. Mais sa chambre. Ou plutôt ce qui aurait dû être sa chambre. Elle n'y a dormi qu'une nuit, pas plus.

C'est le grand bazar, pas moyen de voir son lit sous le désordre qui l'a colonisé entre les fringues jetées précipitemment et le courrier qu'elle ne lira jamais qui s'entasse.

Elle n'y a dormi qu'une nuit mais... Elle était là pour moi. Celle avec laquelle j'ai vécu était là: ses biblots, ses fringues, ses parfums, son équipement hifi, son parfum aussi. Mais il suffit d'observer ces objets pour comprendre ce qu'Elle a fait de sa vie, de son passé, de notre passé commun: Elle nous a mis au placard, balayé, placé aux oubliettes, espérant qu'on disparaisse. J'ai la faiblesse de croire qu'Elle sait qu'on est toujours là, au fond.

Pour moi il s'agit d'une fuite, assurément. D'autres disent qu'Elle a changé, que c'est comme ça, qu'Elle ne redeviendra plus la jeune fille pétillante, souriante, dynamique, heureuse de vivre, tournée vers l'avenir. Je ne peux pas me résigner à me dire qu'Elle passera sa vie à fuir son ombre et les cinq dernières minutes qu'Elle vient de vivre pour courir vers un autre fantôme qui la confortera dans ses chimères. On ne construit rien de durable sur un marécage. Elle le sait pourtant, on en avait parlé. Mais Elle préfère cependant s'inventer et entretenir des problèmes annexes afin de ne pas affronter son seul et unique véritable problème: la maladie.

Je me suis tellement battu pendant trois ans, avec et même contre Elle, pour son bien. Un moment je pensais même qu'on avait gagné. Peine perdue.

Je sors de sa chambre, on me propose un café, je vois alors que la totalité de nos couverts sont ici aussi, surtout nos tasses, celles qui nous étaient si personnelles. Décidement, c'est une fuite bien plus importante que je ne le pensais.

Trois mois qu'Elle n'a deigné me voir. "Trop occupée". Bah voui je sais, je te connais et tu le sais. Veux-tu m'envoyer un message ou crois-tu réellement que je ne sais plus ce que ça veut dire chez toi, "trop occupée"?

Je repars, bien évidement, Elle n'est pas là. Tu fais toujours la morte. Assurée que tu es que rien ne changeras en ton absence. Pour toi, rien ne compte tant que ce qui te manque. Tiens, ça me donne une idée. Et si maintenant c'était moi qui jouait le mort?